Les yeux d'or
Posted: Thu Dec 21, 2006 6:09 pm
Il était une fois un petit village au pied des montagnes.
Dans ce village ne vivaient que des femmes : la vie n'y était pas facile, car les bêtes sauvages et les voleurs prélevaient régulièrement leur tribut sur les récoltes, mais toutes gardaient courage et s'entraidaient du mieux de leurs possibilités. Toutes, sauf une, qui avait les yeux dorés.
Cette femme aux yeux d'or était d'une grande beauté avec de magnifiques cheveux d'argent qui ne devaient rien à l'âge; elle vivait à la bordure du village mais ne se préoccupait que de son bien. On savait peu de choses à son sujet : elle était arrivée au village il y a deux saisons et n'avait jamais rien dit de son passé. Certaines disaient qu'elle même ne semblait pas vraiment se souvenir de sa vie avant son arrivée.
Plusieurs habitantes avaient tenté de l'inclure dans les activités du villages et les quelques moments de réjouissance qui parfois se produisaient, mais la femme aux yeux d'or les avaient toujours repoussé, désirant rester seule et ne voulant partager le produit de son potager avec personne.
En haut de la montagne surplombant le village vivait une magicienne. Sa gentillesse et ses pouvoirs étaient grands, aussi descendait elle au village une fois l'an pour aider les habitantes. Certaines auraient désiré qu'elle vienne plus souvent, mais la magicienne, bien que peinée par la dure vie des villageoises, souhaitait qu'elles n'aient pas à dépendre de ses dons. Toutes comprenaient cette raison et bénissaient chaque venue annuelle.
Ce jour arriva bientôt et comme à son habitude, la magicienne descendit le chemin de la montagne et se rendit au village pour dispenser ses bienfaits : toutes se rassemblèrent alors pour l'accueillir car plus qu'une bienfaitrice, la magicienne étaient pour elles une amie, la lueur d'espoir rendant la nuit moins insupportable.
Chaque femme se présentât devant la magicienne et lui fit part de son souhait : celle ci l'exauçait selon ses possibilités et son jugement. Le tour de femme aux yeux dorés vint, aussi s'avança t'elle, la mine renfrognée telle qu'à son habitude, puis dit à la dame de la montagne :
« Le travail est trop dur et la vie ici est pénible : ce doit être une malédiction et je veux que vous m'aidiez ! »
Les autres femmes s'exclamèrent, car elles avaient tenté à maintes reprises de l'aider, recevant à chaque fois un refus orgueilleux; toutefois, la magicienne la regarda gravement, dessina quelque chose dans l'air avec un doigt puis répondit à son interlocutrice :
« En vérité, vous êtes la victime d'un sortilège et cette existence n'est pas celle à laquelle votre naissance vous a destiné. Hélas, le sort est tel que je ne puis le lever céans. Dans sept jours, prenez seule le chemin de la montagne et rejoignez moi afin que je vous en libère si vous le désirez encore à ce moment là.
Alors la femme aux yeux dorés adressa un rire moqueur au reste de l'assemblée et se dirigeât fièrement vers sa maison, qu'elle ne quitta que sept jours après.
Une semaine après la venue de la magicienne, la femme aux yeux d'or prit un solide baton pour l'aider à marcher, un sac de provision pour se restaurer en chemin, et partit sur le sentier de la montagne, à travers la forêt.
Après plusieurs heures de marche, la voyageuse s'arrêta un peu pour se reposer et s'assit sur un rocher, quand un magnifique loup gris s'approcha d'elle et lui parla :
« Dame, je me sens si seul et la présence de mes pareils me manque. Ma compagne s'est perdue et je la cherche : m'aideras tu à la retrouver ? »
La femme aux yeux dorés lui répondit qu'elle n'en avait pas le temps.
« Dame aux yeux semblables aux miens, reprit le loup, les arbres m'ont dit que ma compagne s'était dirigée vers un village situé en aval de cette montagne : me guideras tu jusque là ? Je me sens si seul. »
Et la femme lui répondit que cela ne la concernait pas puis reprit son chemin, abandonnant le loup derrière elle.
Un peu plus tard, la voyageuse eut faim et s'arrêta pour manger, quand deux louveteaux gris sortirent de la forêt; l'un d'eux lui parlât et dit :
«Dame, nous sommes si seuls : notre mère nous manque et nous la cherchons. Nous aideras tu à la retrouver? »
La femme lui répondit qu'elle avait affaire ailleurs et ne pouvait les aider.
« Dame aux yeux semblables aux nôtres, dit alors le deuxième louveteau, notre père et notre mère ne sont pas là pour nous nourrir et nous sommes affamés : s'il te plait donne nous à manger. »
Et la femme répondit alors que son repas était sien seul, puis se détourna, laissant les louveteaux derrière elle.
La fin de l'après-midi approchait lorsque la voyageuse arriva à la demeure de la magicienne et entra. La magicienne l'accueillit et lui demandât si elle désirait toujours que l'envoûtement soit levé, puisque tel était le but de l'ascension de la femme. Comme celle ci répondit un farouche oui, la magicienne se concentra et joignit ses mains au dessus de la femme aux yeux d'or : une lumière blanche l'enveloppa et lorsqu'elle se dissipât, il ne restât à la place qu'une louve grise. Alors la magicienne s'adressât à l'animal désorienté :
« C'est moi qui ai lancé le sort et t'ai rendu humaine. Par cette punition, je voulais que tu partages la vie de celles qui souffrent par ta faute. En tuant systématiquement les hommes s'approchant de ton territoire au lieu de simplement les chasser, tu as fait partir les villageois et leurs enfants, ne laissant que celles ne pouvant partir pour tenter une vie plus facile ailleurs. Je pensais qu'ainsi tu apprendrais la compassion mais je me suis trompée, et mon sort s'est révélé inutile, c'est pourquoi je t'en ai libéré.
La louve, pas vraiment émue, se souvint alors de sa propre famille, de son compagnon et de ses deux petits. Elle sortit de la maison et poussât un hurlement pour les appeler, mais nul ne répondit.
La magicienne dit alors :
« Ils ne viendront pas car tu les a rejetés alors que tu montais me retrouver.
Le loups mâle que tu as délaissé en venant ici, c'était ton compagnon qui te cherchait : à présent il s'en est allé, cherchant ailleurs une compagne à chérir.
Les louveteaux que tu as abandonné en venant ici, c'était tes petits qui te cherchaient : à présent ils sont morts de faim. »
La louve retroussa les babines et accusa la magicienne, la tenant pour responsable de la mort de ses petits. Alors la magicienne répondit :
« En vérité toi seule en est la cause. C'est par ton égoïsme et ta méchanceté que tu les as abandonné, tout comme tu as provoqué le départ des villageois. A présent te voilà comme celles dont tu as causé le malheur : seule. »
Alors la louve réalisa que les paroles de la magicienne étaient vraies et pleura pour la première fois de sa vie. Elle pleura sur ses enfants qui étaient morts par sa faute et sur les malheurs qu'elle avait causé au village.
La magicienne s'en ému et s'accroupit alors pour se mettre à hauteur de l'animal et lui dit alors d'un ton calme qu'il n'était jamais trop tard pour essayer de réparer ses erreurs. La louve inclina alors la tête et partit doucement de la maison, alors que la nuit venait de tomber.
Plus tard dans la saison, les habitantes du village constatèrent quelques agréables changements : était ce simplement une coïncidence ou était ce réel ? Il semblait que les bêtes sauvages ne venaient plus en leurs jardins, et que l'on ne pillait plus les cabanes où étaient stockées les récoltes. De fait la situation du village s'améliorât : on y pouvait à présent dormir le ventre apaisé. Nombre d'entre les villageoises virent là une autre faveur de la magicienne, mais les plus observatrices remarquèrent des traces de pattes autour des cabanes et des jardins.
Quelques temps après, charmés par l'opiniâtreté et le courage de ses habitantes, d'honnêtes voyageurs s'arrêtèrent et s'installèrent définitivement au village, certains pour y fonder une famille d'autres simplement guidés la promesse d'une vie paisible. Le village renaissait, sa population partageant un sentiment commun : solidarité.
C'est à peu près à cette époque qu'une personne attentive aurait pu entendre dans la montagne un hurlement de loup, suivi d'un autre légèrement différent. Une personne à l'ouïe fine aurait également pu percevoir trois autres hurlements venant de la même direction, bien que plus faibles et moins assurés...
Dans ce village ne vivaient que des femmes : la vie n'y était pas facile, car les bêtes sauvages et les voleurs prélevaient régulièrement leur tribut sur les récoltes, mais toutes gardaient courage et s'entraidaient du mieux de leurs possibilités. Toutes, sauf une, qui avait les yeux dorés.
Cette femme aux yeux d'or était d'une grande beauté avec de magnifiques cheveux d'argent qui ne devaient rien à l'âge; elle vivait à la bordure du village mais ne se préoccupait que de son bien. On savait peu de choses à son sujet : elle était arrivée au village il y a deux saisons et n'avait jamais rien dit de son passé. Certaines disaient qu'elle même ne semblait pas vraiment se souvenir de sa vie avant son arrivée.
Plusieurs habitantes avaient tenté de l'inclure dans les activités du villages et les quelques moments de réjouissance qui parfois se produisaient, mais la femme aux yeux d'or les avaient toujours repoussé, désirant rester seule et ne voulant partager le produit de son potager avec personne.
En haut de la montagne surplombant le village vivait une magicienne. Sa gentillesse et ses pouvoirs étaient grands, aussi descendait elle au village une fois l'an pour aider les habitantes. Certaines auraient désiré qu'elle vienne plus souvent, mais la magicienne, bien que peinée par la dure vie des villageoises, souhaitait qu'elles n'aient pas à dépendre de ses dons. Toutes comprenaient cette raison et bénissaient chaque venue annuelle.
Ce jour arriva bientôt et comme à son habitude, la magicienne descendit le chemin de la montagne et se rendit au village pour dispenser ses bienfaits : toutes se rassemblèrent alors pour l'accueillir car plus qu'une bienfaitrice, la magicienne étaient pour elles une amie, la lueur d'espoir rendant la nuit moins insupportable.
Chaque femme se présentât devant la magicienne et lui fit part de son souhait : celle ci l'exauçait selon ses possibilités et son jugement. Le tour de femme aux yeux dorés vint, aussi s'avança t'elle, la mine renfrognée telle qu'à son habitude, puis dit à la dame de la montagne :
« Le travail est trop dur et la vie ici est pénible : ce doit être une malédiction et je veux que vous m'aidiez ! »
Les autres femmes s'exclamèrent, car elles avaient tenté à maintes reprises de l'aider, recevant à chaque fois un refus orgueilleux; toutefois, la magicienne la regarda gravement, dessina quelque chose dans l'air avec un doigt puis répondit à son interlocutrice :
« En vérité, vous êtes la victime d'un sortilège et cette existence n'est pas celle à laquelle votre naissance vous a destiné. Hélas, le sort est tel que je ne puis le lever céans. Dans sept jours, prenez seule le chemin de la montagne et rejoignez moi afin que je vous en libère si vous le désirez encore à ce moment là.
Alors la femme aux yeux dorés adressa un rire moqueur au reste de l'assemblée et se dirigeât fièrement vers sa maison, qu'elle ne quitta que sept jours après.
Une semaine après la venue de la magicienne, la femme aux yeux d'or prit un solide baton pour l'aider à marcher, un sac de provision pour se restaurer en chemin, et partit sur le sentier de la montagne, à travers la forêt.
Après plusieurs heures de marche, la voyageuse s'arrêta un peu pour se reposer et s'assit sur un rocher, quand un magnifique loup gris s'approcha d'elle et lui parla :
« Dame, je me sens si seul et la présence de mes pareils me manque. Ma compagne s'est perdue et je la cherche : m'aideras tu à la retrouver ? »
La femme aux yeux dorés lui répondit qu'elle n'en avait pas le temps.
« Dame aux yeux semblables aux miens, reprit le loup, les arbres m'ont dit que ma compagne s'était dirigée vers un village situé en aval de cette montagne : me guideras tu jusque là ? Je me sens si seul. »
Et la femme lui répondit que cela ne la concernait pas puis reprit son chemin, abandonnant le loup derrière elle.
Un peu plus tard, la voyageuse eut faim et s'arrêta pour manger, quand deux louveteaux gris sortirent de la forêt; l'un d'eux lui parlât et dit :
«Dame, nous sommes si seuls : notre mère nous manque et nous la cherchons. Nous aideras tu à la retrouver? »
La femme lui répondit qu'elle avait affaire ailleurs et ne pouvait les aider.
« Dame aux yeux semblables aux nôtres, dit alors le deuxième louveteau, notre père et notre mère ne sont pas là pour nous nourrir et nous sommes affamés : s'il te plait donne nous à manger. »
Et la femme répondit alors que son repas était sien seul, puis se détourna, laissant les louveteaux derrière elle.
La fin de l'après-midi approchait lorsque la voyageuse arriva à la demeure de la magicienne et entra. La magicienne l'accueillit et lui demandât si elle désirait toujours que l'envoûtement soit levé, puisque tel était le but de l'ascension de la femme. Comme celle ci répondit un farouche oui, la magicienne se concentra et joignit ses mains au dessus de la femme aux yeux d'or : une lumière blanche l'enveloppa et lorsqu'elle se dissipât, il ne restât à la place qu'une louve grise. Alors la magicienne s'adressât à l'animal désorienté :
« C'est moi qui ai lancé le sort et t'ai rendu humaine. Par cette punition, je voulais que tu partages la vie de celles qui souffrent par ta faute. En tuant systématiquement les hommes s'approchant de ton territoire au lieu de simplement les chasser, tu as fait partir les villageois et leurs enfants, ne laissant que celles ne pouvant partir pour tenter une vie plus facile ailleurs. Je pensais qu'ainsi tu apprendrais la compassion mais je me suis trompée, et mon sort s'est révélé inutile, c'est pourquoi je t'en ai libéré.
La louve, pas vraiment émue, se souvint alors de sa propre famille, de son compagnon et de ses deux petits. Elle sortit de la maison et poussât un hurlement pour les appeler, mais nul ne répondit.
La magicienne dit alors :
« Ils ne viendront pas car tu les a rejetés alors que tu montais me retrouver.
Le loups mâle que tu as délaissé en venant ici, c'était ton compagnon qui te cherchait : à présent il s'en est allé, cherchant ailleurs une compagne à chérir.
Les louveteaux que tu as abandonné en venant ici, c'était tes petits qui te cherchaient : à présent ils sont morts de faim. »
La louve retroussa les babines et accusa la magicienne, la tenant pour responsable de la mort de ses petits. Alors la magicienne répondit :
« En vérité toi seule en est la cause. C'est par ton égoïsme et ta méchanceté que tu les as abandonné, tout comme tu as provoqué le départ des villageois. A présent te voilà comme celles dont tu as causé le malheur : seule. »
Alors la louve réalisa que les paroles de la magicienne étaient vraies et pleura pour la première fois de sa vie. Elle pleura sur ses enfants qui étaient morts par sa faute et sur les malheurs qu'elle avait causé au village.
La magicienne s'en ému et s'accroupit alors pour se mettre à hauteur de l'animal et lui dit alors d'un ton calme qu'il n'était jamais trop tard pour essayer de réparer ses erreurs. La louve inclina alors la tête et partit doucement de la maison, alors que la nuit venait de tomber.
Plus tard dans la saison, les habitantes du village constatèrent quelques agréables changements : était ce simplement une coïncidence ou était ce réel ? Il semblait que les bêtes sauvages ne venaient plus en leurs jardins, et que l'on ne pillait plus les cabanes où étaient stockées les récoltes. De fait la situation du village s'améliorât : on y pouvait à présent dormir le ventre apaisé. Nombre d'entre les villageoises virent là une autre faveur de la magicienne, mais les plus observatrices remarquèrent des traces de pattes autour des cabanes et des jardins.
Quelques temps après, charmés par l'opiniâtreté et le courage de ses habitantes, d'honnêtes voyageurs s'arrêtèrent et s'installèrent définitivement au village, certains pour y fonder une famille d'autres simplement guidés la promesse d'une vie paisible. Le village renaissait, sa population partageant un sentiment commun : solidarité.
C'est à peu près à cette époque qu'une personne attentive aurait pu entendre dans la montagne un hurlement de loup, suivi d'un autre légèrement différent. Une personne à l'ouïe fine aurait également pu percevoir trois autres hurlements venant de la même direction, bien que plus faibles et moins assurés...