Ma première nouvelle
Posted: Mon Sep 03, 2007 1:45 am
voilà un texte achevé pour lequel j'aurais besoin de critiques pour pouvoir m'améliorer. Bonne lecture.
Tout était beau chez Anna Netrebko; depuis ses yeux, jusqu'à sa bouche, son visage et sa magnifique, indescriptible, que dis-je! Sa voix enchanteresse.
Je ne crois pas mentir en racontant que même arrivé à la vingtième écoute, je pleurais encore et toujours. Je ne connais pas grand chose à l'opéra, et ne sais si l'on peut être émue par ce genre de représentations lorsque cela ne nous passionne pas. Quoique? Non, je vous dis des sottises: bien sur que l'on peut-être émue jusqu'aux larmes même en n'étant pas accroc; la preuve en est faite: je suis tombé amouré de l'oeuvre de Verdi lorsque ma femme est rentrée à la maison un soir, et m'a forçée à la regarder, pour – sois-disant- lui tenir compagnie. Je ne crois pas non plus mentir en disant qu'une fois la cent trente-deuxième minute écoulée, jamais ma femme n'a pu remettre la main sur son précieux DVD; ce ne fut que trois mois plus tard que je lui avouai l'emplacement exact de la « Traviata ».
Tout est beau chez Anna Netrebko. Sa voix vibre avec une exquise délicatesse dans la grande et luxueuse salle, où costumes sombres et robes de soirée sont manifestement de rigueur. Sur ce point, je suis un admirateur admirable: j'applique à la lettre les règles. Mon costume noir à cravate rouge, flamband neuf d'hier, tout repassé de ce soir, ne souffre pas le moindre plis. Anna, elle, resplendie dans sa non moins magnifique robe rouge. Que l'on mette les choses au point sur-le-champ: si je vous parle de la « Traviata », je serai contraint d'employé une dizaine de surperlatifs tels que « magnifique » et « resplendissant » par phrase, tant sa voix est inqualifiable: elle peut vous faire pleurer, rire, trembler, aimer... et j'en passe.
Tout sera beau chez Anna Netrebko, et ce même dans vignt ans, lorsque les rides auront sillonnés son visage, lorsque quelques légers chevrotements à peine perçeptibles auront raison de sa superbe voix, lorsque la Violetta Valéry qu'elle interprète arborera des cheveux ternes, lorsque ses yeux hypnotiques auront perdu leur éclat.
Je me rappelle très bien avoir regardé une autre version de mon opéra fétiche avec ma femme; je ne me souviens plus du nom de la cantatrice, en revanche, je me souviens chaque accent de sa voix trop technique et instable, je me souviens de chaque mine et expression de sa figure au maniérisme agaçant, je me souviens aussi et surtout de chaque gâchis qu'elle faisait par son mauvais jeu sur scène. Il me revient à l'esprit ce fameux moment où, l'opéra terminé, je me pressai de dissimuler la vidéo, non pas pour me l'approprier, mais pour éviter d'avoir à l'entendre une nouvelle fois...
Anna est sur scène, grande dans la petitesse de son personnage, noble dans la misèreuse condition de courtisane de Violetta Valéry; je braque mes jumelles sur elle et M. Villazone: elle se trouvera bientôt à l'endroit prévu, sur ce refrain tant attendu, pour lequel j'ai payé ma place. Ses mouvements sont précis, exactement comme prévu, mes gestes se doivent eux aussi d'être d'une grande finesse, à l'endroit prévu, au refrain attendu. Violetta Valéry n'est pas encore morte que mes yeux se voilent déjà de larmes de tristesse et de bonheur. « Elle n'en a plus que pour quelques heures », annonce le médecin, dans son pieux mensonge; voilà à quoi m'ont servis mes quatres années d'italien.
J'imbibe ma manche droite de mes pleurs; tant pis pour le costume, il faut que ma vue reste claire: pour rien au monde mon regard ne doit se détacher d'elle; pour tout l'or du monde, je ne détournerai pas mon attention de sa voix, et cela jusqu'au refrain attendu, jusqu'à l'endroit prévu.
Ca y est! Violettta a troqué son élégante robe rouge contre une chemise de nuit et une grande veste de couleur sombre. Je l'entend encore chanter:« Adio el pasado ». C'est tellement beau dans sa version original que mon esprit ne se donne même plus le mal de traduire. A quoi bon? Tant que je l'entends tou va bien, tant que je la vois, tout va pour le mieux.
Une seule chose m'angoissait en entrant: qu'on ne me laisse pas prendre place flanqué de ma malette; j'ai pris le soin d'amener mon propre équipement, leur espèces de lunettes pour voir les chanteurs ne sont que de la pacotille, j'ai beaucoup mieux à ma disposition: une lunette qui permet de zoomer, c'est plus facile pour bien viser. J'avais trop peur qu'on ne me laisse pas pénétrer dans la salle, j'ai donc du emprunter un chemin plus sur, par les coulisses, en évitant le personnel de sécurité, c'est ainsi que j'ai accédé à l'avant-plus-haut balcon. Ce balcon-ci offre une vue imprenable, fort heureusement. Je visse la lunette sur son support, mon inquiétude se manifeste d'une manière plus contraignante que prévue, traduite par d'abondantes sueurs sur le front, et par les mains moîtes. La peste soit des mains poisseuses! Ce sont elles qui me font mal adhérer à mon équipement. J'approche la lunette de mon oeil droit. Le viseur est prêt.
Tout est beau chez Anna Netrebko. Depuis ses yeux, à sa bouche, à son teint blême sous la leur des projecteurs. Même grimée en malade, elle rayonne, et rayonnera jusque dans la mort... Si je le pouvais, j'accourrai sur scène et lui baiserai les pieds, comme à une reine. Elle est sur scène, une déesse de la mélomanie dans son humaine condition de cantatrice. Je me souviens de Rolando clamant « ô combien je t'aime », et je suis comme lui, prisonnier de ma simple condition d'admirateur, pourtant je l'aime, je ne crois pas mentir en disant que je suis tombé amoureux de la voix d'Anna dès l'instant même où je l'ai entendu. Quelques amis, des passionnés de longue date, m'ont confiés qu'ils n'avaient jamais rien vu de si splendide que cette salle d'opéra; pour ma part, si je la trouve belle, c'est parce que Mme Netrebko y chante. Pour rien au monde je ne veux rater ce refrain, je l'ai patiemment attendu durant deux heures; chez moi, au besoin – dans l'éventualité où il m'échappait – je procédais à une petite arrière rapide, mais ici, tout est différent. Mon coeur palpite, je savoure chaque note qui s'évade de sa bouche. Mes mains suent, ma lunette tremble, et cela car je n'ai pas le droit à l'erreur: il me sera impossible de retourner en arrière.
J'atteins le comble de l'émotion. Je n'ai pas versé une larme pour mon marriage, et ce soir, j'ignore si c'est l'émotion ou bien mon angoissent qui fait courir mes mains sur mon équipement. Je resserre mes doigts autour de la lunette et de la gâchette. Je tremble: ces petits désagréments ne m'ont pas pris depuis cinq ans de métier. A bien tôt, pour bientôt. Ce sera sa chère voix que je regretterai. Sa magnifique et indescriptible, que dis-je! Sa voix enchanteresse!
Je lutte pour rester concentrer, le chargeur s'emboîte en émettant un petit cliquetis de métal.
« Elle s'éteinte! », clament-ils, tragiques.
L'orchestre triple l'intensité de la musique, les cynballes, les vents. Leurs voix. Le coup part sans que quiconque le remarque, sauf moi évidemment. Je souffle sur le mince filet de fumée que crache le canon. Je vois déjà les gros titres des journaux: « Tragédie à Paris. Ce passage, mémorable interprétation de la Traviata, marque d'une pierre blanche la fin de la carrière de cette cantatrice enchanteresse qu'était Anna Netrebko. » J'essuie mes chaudes larmes du revère de ma manche gauche, tandis que ma très chère Anna croûle sous les applaudissements et les ovations des spectateurs. Des roses rouges lancées sur scène viennent réhausser son teint pâle. Elle a les yeux ouverts, agîtée d'une étrange gestuelle fîgée et plaintive. Les applaudissements redoublent. Anna joue superbement, chante superbement. Elle avait l'habitude de saluer humblement les spectateurs. Une main un peu au dessus de la poitrine, parce que cela fait chaud au coeur, des yeux pleins de reconnaissance, de gratitude.
Mon équipement me reste dans les mains, sa merveilleuse voix s'est tue. Je sens encore entre l'index et le majeur la graisse laissée par l'unique balle lubrifiée qu'il m'a fallu utiliser pour le contrat.
Tout fut beau chez Anna Netrebko; mais ce soir: Anna ne se relèvera pas.
Tout était beau chez Anna Netrebko; depuis ses yeux, jusqu'à sa bouche, son visage et sa magnifique, indescriptible, que dis-je! Sa voix enchanteresse.
Je ne crois pas mentir en racontant que même arrivé à la vingtième écoute, je pleurais encore et toujours. Je ne connais pas grand chose à l'opéra, et ne sais si l'on peut être émue par ce genre de représentations lorsque cela ne nous passionne pas. Quoique? Non, je vous dis des sottises: bien sur que l'on peut-être émue jusqu'aux larmes même en n'étant pas accroc; la preuve en est faite: je suis tombé amouré de l'oeuvre de Verdi lorsque ma femme est rentrée à la maison un soir, et m'a forçée à la regarder, pour – sois-disant- lui tenir compagnie. Je ne crois pas non plus mentir en disant qu'une fois la cent trente-deuxième minute écoulée, jamais ma femme n'a pu remettre la main sur son précieux DVD; ce ne fut que trois mois plus tard que je lui avouai l'emplacement exact de la « Traviata ».
Tout est beau chez Anna Netrebko. Sa voix vibre avec une exquise délicatesse dans la grande et luxueuse salle, où costumes sombres et robes de soirée sont manifestement de rigueur. Sur ce point, je suis un admirateur admirable: j'applique à la lettre les règles. Mon costume noir à cravate rouge, flamband neuf d'hier, tout repassé de ce soir, ne souffre pas le moindre plis. Anna, elle, resplendie dans sa non moins magnifique robe rouge. Que l'on mette les choses au point sur-le-champ: si je vous parle de la « Traviata », je serai contraint d'employé une dizaine de surperlatifs tels que « magnifique » et « resplendissant » par phrase, tant sa voix est inqualifiable: elle peut vous faire pleurer, rire, trembler, aimer... et j'en passe.
Tout sera beau chez Anna Netrebko, et ce même dans vignt ans, lorsque les rides auront sillonnés son visage, lorsque quelques légers chevrotements à peine perçeptibles auront raison de sa superbe voix, lorsque la Violetta Valéry qu'elle interprète arborera des cheveux ternes, lorsque ses yeux hypnotiques auront perdu leur éclat.
Je me rappelle très bien avoir regardé une autre version de mon opéra fétiche avec ma femme; je ne me souviens plus du nom de la cantatrice, en revanche, je me souviens chaque accent de sa voix trop technique et instable, je me souviens de chaque mine et expression de sa figure au maniérisme agaçant, je me souviens aussi et surtout de chaque gâchis qu'elle faisait par son mauvais jeu sur scène. Il me revient à l'esprit ce fameux moment où, l'opéra terminé, je me pressai de dissimuler la vidéo, non pas pour me l'approprier, mais pour éviter d'avoir à l'entendre une nouvelle fois...
Anna est sur scène, grande dans la petitesse de son personnage, noble dans la misèreuse condition de courtisane de Violetta Valéry; je braque mes jumelles sur elle et M. Villazone: elle se trouvera bientôt à l'endroit prévu, sur ce refrain tant attendu, pour lequel j'ai payé ma place. Ses mouvements sont précis, exactement comme prévu, mes gestes se doivent eux aussi d'être d'une grande finesse, à l'endroit prévu, au refrain attendu. Violetta Valéry n'est pas encore morte que mes yeux se voilent déjà de larmes de tristesse et de bonheur. « Elle n'en a plus que pour quelques heures », annonce le médecin, dans son pieux mensonge; voilà à quoi m'ont servis mes quatres années d'italien.
J'imbibe ma manche droite de mes pleurs; tant pis pour le costume, il faut que ma vue reste claire: pour rien au monde mon regard ne doit se détacher d'elle; pour tout l'or du monde, je ne détournerai pas mon attention de sa voix, et cela jusqu'au refrain attendu, jusqu'à l'endroit prévu.
Ca y est! Violettta a troqué son élégante robe rouge contre une chemise de nuit et une grande veste de couleur sombre. Je l'entend encore chanter:« Adio el pasado ». C'est tellement beau dans sa version original que mon esprit ne se donne même plus le mal de traduire. A quoi bon? Tant que je l'entends tou va bien, tant que je la vois, tout va pour le mieux.
Une seule chose m'angoissait en entrant: qu'on ne me laisse pas prendre place flanqué de ma malette; j'ai pris le soin d'amener mon propre équipement, leur espèces de lunettes pour voir les chanteurs ne sont que de la pacotille, j'ai beaucoup mieux à ma disposition: une lunette qui permet de zoomer, c'est plus facile pour bien viser. J'avais trop peur qu'on ne me laisse pas pénétrer dans la salle, j'ai donc du emprunter un chemin plus sur, par les coulisses, en évitant le personnel de sécurité, c'est ainsi que j'ai accédé à l'avant-plus-haut balcon. Ce balcon-ci offre une vue imprenable, fort heureusement. Je visse la lunette sur son support, mon inquiétude se manifeste d'une manière plus contraignante que prévue, traduite par d'abondantes sueurs sur le front, et par les mains moîtes. La peste soit des mains poisseuses! Ce sont elles qui me font mal adhérer à mon équipement. J'approche la lunette de mon oeil droit. Le viseur est prêt.
Tout est beau chez Anna Netrebko. Depuis ses yeux, à sa bouche, à son teint blême sous la leur des projecteurs. Même grimée en malade, elle rayonne, et rayonnera jusque dans la mort... Si je le pouvais, j'accourrai sur scène et lui baiserai les pieds, comme à une reine. Elle est sur scène, une déesse de la mélomanie dans son humaine condition de cantatrice. Je me souviens de Rolando clamant « ô combien je t'aime », et je suis comme lui, prisonnier de ma simple condition d'admirateur, pourtant je l'aime, je ne crois pas mentir en disant que je suis tombé amoureux de la voix d'Anna dès l'instant même où je l'ai entendu. Quelques amis, des passionnés de longue date, m'ont confiés qu'ils n'avaient jamais rien vu de si splendide que cette salle d'opéra; pour ma part, si je la trouve belle, c'est parce que Mme Netrebko y chante. Pour rien au monde je ne veux rater ce refrain, je l'ai patiemment attendu durant deux heures; chez moi, au besoin – dans l'éventualité où il m'échappait – je procédais à une petite arrière rapide, mais ici, tout est différent. Mon coeur palpite, je savoure chaque note qui s'évade de sa bouche. Mes mains suent, ma lunette tremble, et cela car je n'ai pas le droit à l'erreur: il me sera impossible de retourner en arrière.
J'atteins le comble de l'émotion. Je n'ai pas versé une larme pour mon marriage, et ce soir, j'ignore si c'est l'émotion ou bien mon angoissent qui fait courir mes mains sur mon équipement. Je resserre mes doigts autour de la lunette et de la gâchette. Je tremble: ces petits désagréments ne m'ont pas pris depuis cinq ans de métier. A bien tôt, pour bientôt. Ce sera sa chère voix que je regretterai. Sa magnifique et indescriptible, que dis-je! Sa voix enchanteresse!
Je lutte pour rester concentrer, le chargeur s'emboîte en émettant un petit cliquetis de métal.
« Elle s'éteinte! », clament-ils, tragiques.
L'orchestre triple l'intensité de la musique, les cynballes, les vents. Leurs voix. Le coup part sans que quiconque le remarque, sauf moi évidemment. Je souffle sur le mince filet de fumée que crache le canon. Je vois déjà les gros titres des journaux: « Tragédie à Paris. Ce passage, mémorable interprétation de la Traviata, marque d'une pierre blanche la fin de la carrière de cette cantatrice enchanteresse qu'était Anna Netrebko. » J'essuie mes chaudes larmes du revère de ma manche gauche, tandis que ma très chère Anna croûle sous les applaudissements et les ovations des spectateurs. Des roses rouges lancées sur scène viennent réhausser son teint pâle. Elle a les yeux ouverts, agîtée d'une étrange gestuelle fîgée et plaintive. Les applaudissements redoublent. Anna joue superbement, chante superbement. Elle avait l'habitude de saluer humblement les spectateurs. Une main un peu au dessus de la poitrine, parce que cela fait chaud au coeur, des yeux pleins de reconnaissance, de gratitude.
Mon équipement me reste dans les mains, sa merveilleuse voix s'est tue. Je sens encore entre l'index et le majeur la graisse laissée par l'unique balle lubrifiée qu'il m'a fallu utiliser pour le contrat.
Tout fut beau chez Anna Netrebko; mais ce soir: Anna ne se relèvera pas.