poème en prose: La Ville
Posted: Sat Nov 10, 2007 10:26 pm
Je commence tout juste à essayer la poésie en prose. Je poste le premier jet de ma première production (j'espère qu'elle rentre effectivement dans le cadre du genre poétique). Je vous souhaite une bonne lecture et s'il y en a sur le forum qui s'y connaissent en poésie, vos remarques et avis sont extrêment bienvenus!
LA VILLE
Une brise froide. Quelques bourrasques balaient le ciel: le lever du soleil à l'horizon, et tout se teinte d'un pourpre qui bientôt vire au rouge, à l'orange... Et vous voici vous, habitants, principaux sujets de ce tableaux: un soleil erreinté se fond sur ce ciel d'aquarelle... Puis vient le bleu sali.
Bienvenue chez vous, objets de ce tableau que je m'apprête à vous peindre, puis à vous décrire avec le plus de fidélité dont il m'est possible de faire preuve. Ce bleu sali est le vôtre, chers citoyens, et bientôt vous verrez s'élever des cheminées des foyers et maisons de retraite des nuages de cendres âcres qui s'évaporent dans le ciel déjà pollué. Bienvenue en ville! Vous dis-je avec enthousiasme! J'espère un renouveau. Vous vouliez le ciel? Voici la terre! Grande immensité; forêt d'immeubles bétonnés où règnent des sauvages qui ne reviennent au camp qu'à la tombée de la nuit. Marquages au sol, places de parking, et peut-être, si vous êtes chanceux, que vous aperçevrez cette voiture au bas de la rue, en excès de vitesse, dont le pneu vient de heurter un trottoir de granit à vif.
Vous vouliez des bois, les bords d'un ruisseau jonchés de feuilles et de ses bouquets d'arbres, dont les feuilles folles s'envolent au grès des vents? Du stationnement, voilà ce que je vous offre; et à intervalles réguliers, des troncs élevés aux tuteurs s'élancent vers les hauteurs, mais s'arrêtent, immobiles, attachés à leur racines: ils restent droit, dressés dans leur douleur, un arbre sans vie au feuillage inquiet de chaque voiture qui passe, de chaque créneau. Capots agressifs et moteurs hurlants.
Vouliez-vous sentir des nappes d'un brouillard mystérieux, où laisser divaguer votre imagination? Voici venir l'épaisse fumée, crachée par les pots d'échappement crasseux.
Mais que désirez-vous? Une échappatoire? Un lieu de repos sans règle ni raison? Une nature libérée qui verdoie? Des buissons sans borne, diformes: je vous offre une nature maîtrisée, une poésie, une vraie, artificielle: des buissons découpés, taillés à la tronçonneuse, des arbustes sculptés au sécateur. Vous aimiez une nature souveraine, imposant sa dure loi au genre humain? Voici la faune, voici la flore, asservie, réduite à resplendir selon le bon plaisir des hommes, qui tels des dieux, la modèle à son image.
Et ce que la nature lui a donné, il le tue, l'écrase, et le transforme: les arbres en papier, le minerai en acier, tout ce monde vissé régit par des normes. Ce que l'homme ne peut avoir, il le plagie. Voyez ce sol si lisse, si parfait, dans lequel le regard de votre enfant s'amuse, y voyant son propre reflet. Des prix chocs, des scoops, sur la couverture glacée s'étend un femme divine, qu'illuminent un soleil de néons blancs au plafond accroché.
Mais après son lever, le soleil fatigué se couche en laissant les hommes à eux-même, errer dans la ville.
J'ai un goût de sang dans la bouche. Une substance poisseuse tapisse le fond de ma gorge. Un nez cassé, caillots rouges, bris d'os, et une main agressive comme la braise qui éclate vient s'abattre contre mon rein. Ce fut le premier passage à tabac de la soirée. Noyé dans l'alcool, le soleil n'y peut plus rien faire. Mon enfer me prend à la gorge, et comme pour me châtier, un homme, humain sous toutes ses formes, apaise son sceau brûlant, une cigarette à la main, dont il s'apprête à écraser le mégot, sur ma peau, et sa marque restera gravée ce soir, à jamais dès le lendemain. La bête renouvelle ses assauts, me frappe, me fait déglutir. Passé minuit, je gît dans mon vomi, jusqu'à aperçevoir luir les rayons d'une aube ordinaire.
Peut-être souhaitiez-vous que je vous raconte la manière dont le poète, en mal de vivre, s'apaise dans un champ dont il hûme les senteurs et caresse les brins d'herbes, d'une main familière: est-ce cela? Le poète de vos rêves est celui qui vous transporte dans un monde parfait: je préfère à cela vous tirer de toutes mes forces vers la réalité: contentez-vous dans le regard de votre famille, et le sourire de vos amis, au lieu de songer à des endroits inexistants, à une époque révolue. Ce qu'a fait l'Homme est immonde: c'est pourquoi la poésie n'existe pas que pour parler de choses belles, mais aussi pour rendre jolies les choses devenues laides.
Routine, violence et maîtrise. Est beau ce qui est aux normes; est magnifique ce qui nous échappe. Bienvenu dans la ville, rêveurs obstinés que vous êtes, obnubilés par votre gamin et ses doigts s'aventurant dans une prise électrique, par les contraintes d'une vie peu tranquille. Mais quand vous vous serez évadés de ce monde bétonné, et que votre regard s'arrêtera sur ce qu'on nomme jalousement la voûte céleste, n'oubliez pas qu'aussi clair qu'il soit, le ciel est sur le point d'être conquis.
LA VILLE
Une brise froide. Quelques bourrasques balaient le ciel: le lever du soleil à l'horizon, et tout se teinte d'un pourpre qui bientôt vire au rouge, à l'orange... Et vous voici vous, habitants, principaux sujets de ce tableaux: un soleil erreinté se fond sur ce ciel d'aquarelle... Puis vient le bleu sali.
Bienvenue chez vous, objets de ce tableau que je m'apprête à vous peindre, puis à vous décrire avec le plus de fidélité dont il m'est possible de faire preuve. Ce bleu sali est le vôtre, chers citoyens, et bientôt vous verrez s'élever des cheminées des foyers et maisons de retraite des nuages de cendres âcres qui s'évaporent dans le ciel déjà pollué. Bienvenue en ville! Vous dis-je avec enthousiasme! J'espère un renouveau. Vous vouliez le ciel? Voici la terre! Grande immensité; forêt d'immeubles bétonnés où règnent des sauvages qui ne reviennent au camp qu'à la tombée de la nuit. Marquages au sol, places de parking, et peut-être, si vous êtes chanceux, que vous aperçevrez cette voiture au bas de la rue, en excès de vitesse, dont le pneu vient de heurter un trottoir de granit à vif.
Vous vouliez des bois, les bords d'un ruisseau jonchés de feuilles et de ses bouquets d'arbres, dont les feuilles folles s'envolent au grès des vents? Du stationnement, voilà ce que je vous offre; et à intervalles réguliers, des troncs élevés aux tuteurs s'élancent vers les hauteurs, mais s'arrêtent, immobiles, attachés à leur racines: ils restent droit, dressés dans leur douleur, un arbre sans vie au feuillage inquiet de chaque voiture qui passe, de chaque créneau. Capots agressifs et moteurs hurlants.
Vouliez-vous sentir des nappes d'un brouillard mystérieux, où laisser divaguer votre imagination? Voici venir l'épaisse fumée, crachée par les pots d'échappement crasseux.
Mais que désirez-vous? Une échappatoire? Un lieu de repos sans règle ni raison? Une nature libérée qui verdoie? Des buissons sans borne, diformes: je vous offre une nature maîtrisée, une poésie, une vraie, artificielle: des buissons découpés, taillés à la tronçonneuse, des arbustes sculptés au sécateur. Vous aimiez une nature souveraine, imposant sa dure loi au genre humain? Voici la faune, voici la flore, asservie, réduite à resplendir selon le bon plaisir des hommes, qui tels des dieux, la modèle à son image.
Et ce que la nature lui a donné, il le tue, l'écrase, et le transforme: les arbres en papier, le minerai en acier, tout ce monde vissé régit par des normes. Ce que l'homme ne peut avoir, il le plagie. Voyez ce sol si lisse, si parfait, dans lequel le regard de votre enfant s'amuse, y voyant son propre reflet. Des prix chocs, des scoops, sur la couverture glacée s'étend un femme divine, qu'illuminent un soleil de néons blancs au plafond accroché.
Mais après son lever, le soleil fatigué se couche en laissant les hommes à eux-même, errer dans la ville.
J'ai un goût de sang dans la bouche. Une substance poisseuse tapisse le fond de ma gorge. Un nez cassé, caillots rouges, bris d'os, et une main agressive comme la braise qui éclate vient s'abattre contre mon rein. Ce fut le premier passage à tabac de la soirée. Noyé dans l'alcool, le soleil n'y peut plus rien faire. Mon enfer me prend à la gorge, et comme pour me châtier, un homme, humain sous toutes ses formes, apaise son sceau brûlant, une cigarette à la main, dont il s'apprête à écraser le mégot, sur ma peau, et sa marque restera gravée ce soir, à jamais dès le lendemain. La bête renouvelle ses assauts, me frappe, me fait déglutir. Passé minuit, je gît dans mon vomi, jusqu'à aperçevoir luir les rayons d'une aube ordinaire.
Peut-être souhaitiez-vous que je vous raconte la manière dont le poète, en mal de vivre, s'apaise dans un champ dont il hûme les senteurs et caresse les brins d'herbes, d'une main familière: est-ce cela? Le poète de vos rêves est celui qui vous transporte dans un monde parfait: je préfère à cela vous tirer de toutes mes forces vers la réalité: contentez-vous dans le regard de votre famille, et le sourire de vos amis, au lieu de songer à des endroits inexistants, à une époque révolue. Ce qu'a fait l'Homme est immonde: c'est pourquoi la poésie n'existe pas que pour parler de choses belles, mais aussi pour rendre jolies les choses devenues laides.
Routine, violence et maîtrise. Est beau ce qui est aux normes; est magnifique ce qui nous échappe. Bienvenu dans la ville, rêveurs obstinés que vous êtes, obnubilés par votre gamin et ses doigts s'aventurant dans une prise électrique, par les contraintes d'une vie peu tranquille. Mais quand vous vous serez évadés de ce monde bétonné, et que votre regard s'arrêtera sur ce qu'on nomme jalousement la voûte céleste, n'oubliez pas qu'aussi clair qu'il soit, le ciel est sur le point d'être conquis.