Les Elfes

Ma théorie sur l’origine de la race elfe rencontrera la plus grande hostilité et sera attaquée par tous les bords. On tient d’ordinaire pour assuré que les Elfes constituent la race la plus ancienne, mais les fossiles ne corroborent pas cette affirmation. Les Humains et les Nains sont les races les plus anciennes d’Arcanum, les Elfes et les Géants les suivant de près. Les premiers Elfes reconnaissables comme tels sont apparus il y a environ 900 000 ans, pendant la période des enchantements. Ils sont un pur produit de la sélection surnaturelle, tout comme les Géants, les Dragons et bien d’autres espèces profondément affectées par la magie.

Les plus anciens restes d’Elfe connus ont été trouvés dans la région de la Forêt Engloutie, pétrifiés dans la strate géologique où se trouvaient également les fameux ossements de la Wyrm d’Eltdon. Entre les canines aiguisées de cet ancien monstre, le paléontologue John Eltdon a découvert des restes d’armure en mithril, un type de protection propre aux guerriers elfes. Ces ossements datant probablement d’il y a 750 000 ans, on peut en conclure que la civilisation elfe était déjà florissante à cette époque.

Les Elfes se distinguent des autres races médianes par les proportions du corps, les attributs faciaux, la pigmentation des cheveux, des yeux et de la peau. Ils ne sont pas aussi grands que les humains, avec une taille moyenne d’environ 150 centimètres. Leur apparence est frêle et gracile, ils pèsent en général moins de six cents pierres. La proportion des membres par rapport au torse est supérieure à celle des Humains et leurs doigts et leurs orteils sont inhabituellement longs et fins. Ils ont des oreilles pointues et allongées, des yeux en amande, leur nez et leur bouche sont fins et délicats. Leur complexion épidermique est pâle, allant du blanc cassé à un subtil teint d’olive laiteuse. Leurs cheveux sont également pâles, argent, mordorés ou vert clair. Certains spécimens, rares, portent des tresses d’un rouge incendiaire ou d’un brun charbonneux et il semble que les Elfes trouvent ces couleurs très attirantes, au point d’être séduits par les humains roux ou bruns. Leurs yeux sont argentés, aigues-marines, verts, ou ambrés. La couleur des yeux d’un Elfe varie souvent en fonction de son humeur, passant d’une teinte à l’autre selon le spectre de ses émotions. Mais la couleur n’est pas la qualité la plus remarquable des yeux elfes, cependant. Leur acuité visuelle est exceptionnelle, ils sont nyctalopes et voient très loin, ce qui en fait les archers les plus remarquables des races médianes.

Les Elfes sont un peuple intrinsèquement magique. Les vibrations mystiques qui les animent sont si fortes qu’isoler la fréquence universelle de leurs tissus relève de l’exploit et nécessite un complexe système de distillation. Saturés d’énergie mystique, les Elfes pratiquent les Arts naturellement et ils ont fourni à Arcanum des générations de mages. Mais ils sont inaptes au contraire à l’étude des phénomènes naturels et ils ont le plus grand mal à maîtriser même les technologies les plus simples. Parfois, la magie qui les habite est si irradiante que les petits mécanismes technologiques ne fonctionnent pas en leur présence et que les machines les plus grandes peuvent les rendre sérieusement malades. La technologie, en tout état de cause, ne les intéresse pas, sauf lorsqu’il s’agit pour eux de protester contre la destruction de la nature au nom du « progrès ».

Il est difficile pour les Humains de comprendre le caractère des races elfes, dans leur effusion parfois paradoxale de qualités diverses. Ils sont généralement paisibles et affables, joyeux et amateurs de plaisanteries… et pourtant ils prennent très au sérieux les affaires d’honneur : s’ils sont provoqués, ils se battent en duel au point de n’accepter que la mort pour venger une insulte qui paraît parfaitement anodine à un observateur humain. Ils aiment à festoyer, multiplient les jours fériés et les fêtes carillonnées, passent beaucoup de temps en célébrations. Les Elfes ne se consacrent pour ainsi dire jamais aux activités proches de ce que les Humains appellent « travail ». Pourtant, selon leur philosophie, la tare majeure des autres races est de « perdre du temps en divertissements frivoles », expression qui désigne la recherche de l’argent ou d’une situation décente. Les Elfes sont généreux, charmants, conciliants et accueillants. Pourtant, de temps en temps, leur arrogance dépasse toute borne. Ils se considèrent comme supérieurs aux autres races, à l’exception peut-être des Hobbits, qu’ils semblent apprécier démesurément.

Les Elfes cultivent la philosophie dans presque tout ce qu’ils rencontrent. Leur légendaire arrogance se dévoile essentiellement dans un léger dégoût pour les autres races : ils répugnent à les fréquenter. Ce dégoût atteint rarement un niveau tel qu’il faille le qualifier de « haine »… sauf en ce qui concerne les Orcs, que les Elfes exterminent à la première occasion, et les Ogres, qu’ils considèrent comme le paroxysme de la stupidité et de la violence (toutes qualités qu’ils méprisent). Quant aux rapports intimes qui existeraient entre Humains et Elfes, question hautement polémique, les Elfes n’en disent qu’une chose : les Humains n’ont pas l’air de comprendre que la plupart des Elfes qu’ils rencontrent hors de leur domaine sont très jeunes. Pendant les tout premiers siècles de leur existence, les enfants elfes se montrent quelque peu indépendants d’esprit. Ils errent en quête de nouvelles expériences et c’est pendant cette époque de leur vie qu’ils sont susceptibles d’entretenir des relations avec les Humains. Les mâles comme les femelles elfes « font alors des fredaines » au milieu des êtres humains. Devenus mûrs, les Elfes s’assagissent et restent entre eux. Ils semblent qu’enterrer plusieurs générations d’amis et d’époux à la faible longévité leur fasse perdre le goût des relations avec les Humains.

Le Peuple Juste a un sens aigu de la possession territoriale et se regroupe par provinces. Les Elfes de la Forêt Miroitante se considèrent comme différents des Elfes habitant la Montagne Grise. Cela s’explique par la profonde communion que les Elfes entretiennent avec la nature et particulièrement avec les forêts de leur enfance. Selon certains observateurs, les Elfes parleraient la langue des animaux et donneraient des ordres aux bêtes dans leur idiome propre. D’autres affirment même que certains Elfes entendent les plaintes des arbres frappés par la hache des bûcherons. Quoi qu’il en soit, les Elfes montrent assurément un amour et un respect immenses de toutes les choses vivantes, en dépit de la fierté avec laquelle ils exhibent leurs aptitudes de chasseurs et d’archers. Les chasseurs elfes ne tuent que par nécessité ou pour se défendre, jamais par plaisir ; ils méprisent ceux qui ne cherchent que les trophées.

Il est impossible d’être affirmatif en ce qui concerne la longévité des Elfes. Les meilleures estimations indiquent un millénaire de vie naturelle, sans l’aide de la magie. Il est extrêmement rare qu’un Elfe décide d’abréger lui-même sa vie ou même de se laisser vieillir, alors que la magie leur est d’un usage si facile ! Un simple effort de volonté leur permet de rester non seulement vivants mais encore jeunes pendant des siècles. Dès lors, il est considéré comme fort discourtois de demander son âge à un Elfe, particulièrement si c’est une femme. Une jeune fille elfe à qui l’on donnerait dix-sept ans pourrait fort bien avoir survécu à cinq générations d’êtres humains. Si vous avez l’occasion de visiter une cité elfe, tenez-vous-en aux indices donnés par les autres Elfes, qui sont généralement les mieux à même d’estimer l’âge de leurs congénères et de leur adresser la parole sur le ton adéquat. Si deux Elfes de la même province se rencontrent et qu’ils sont approximativement du même âge, ils s’appellent « frère » ou « soeur ». Si l’Elfe rencontre un étranger d’une autre province, l’appellation utilisée est « cousin ». Un Elfe plus vieux qu’un autre de plusieurs siècles doit être appelé « mère » ou « père », à moins que ces appellations soient utilisées par flatterie. Les Elfes âgés de plus d’un millénaire sont appelés « oncle » ou « tante », vocatifs témoignant un mélange d’affection et de respect. Les Elfes les plus anciens sont souvent nommés « grand-père » ou « grand-mère ». J’ai été présenté à la Dame d’Argent de Qintarra et j’ai entendu même des Elfes fort âgés l’appeler « Aînée » ; je ne saurais dire quelle exceptionnelle longévité ce vocatif recouvre.